Vous avez déjà dû entendre dire que les chevaux étaient des animaux du silence, et que pour communiquer avec eux, il était préférable de ne pas leurs parler. C’est un sujet que je souhaitais aborder, afin de vous partager les différentes raisons qui font que je ne suis pas forcément de cet avis, et de vous apporter peut-être un nouveau regard sur la question, qui pourra, je l’espère, vous aider à trouver le mode de communication qui « vous » correspond, et cela en toute sérénité !

Mais avant d’entrer dans le détail, revenons à la notion de silence, et de son sens exact. Pour moi, ce mot revêt deux significations majeures :

  • l’absence de bruits ou de sons
  • le fait de se taire, de ne pas parler

Ces deux notions ne sont pas représentatives de la vision que j’ai des chevaux, mais renvoient davantage à notre propre difficulté à les « entendre ». Pour mieux comprendre la manière dont je perçois les choses, je vous propose une mise en perspective pour chacune de ces significations…

L’univers sonore du cheval 

Dans le monde sensoriel des chevaux, les sons occupent une place très importante. Leur audition est extrêmement développée, et très précieuse pour eux, car c’est elle qui leurs permettra d’avoir conscience de leur environnement et des potentiels dangers qui s’y trouvent. Il suffit d’observer les chevaux pour voir à quel point leurs oreilles sont toujours en mouvements, à l’affût du moindre bruit qui pourrait leurs parvenir. 

Si l’humain privilégie la vue pour s’informer de son environnement, l’ouïe sera généralement le premier sens auquel le cheval fera appel, notamment en état de vigilance. Leur analyse de ces sons est également bien plus poussée que la nôtre, il suffit de voir certains chevaux capables de faire la différence entre plusieurs bruits de moteurs, et de réagir en conséquence quand il s’agit du véhicule de leur humain, et cela même sans avoir de visuel, ou à des moments aléatoires de la journée.

S’il a été démontré que leur audition était moins bonne que la nôtre au niveau des sons les plus graves, ils nous dépassent de loin lorsque l’on monte dans les aigus, le spectre audible humain allant de 20 à 20 000Hz contre 55 à 33 500Hz pour celui du cheval ! Les chevaux peuvent d’ailleurs percevoir les ultrasons.

Il a également été démontré que les sons les mieux entendus par le cheval sont ceux compris entre 125 et 30000Hz, zone qui comprend la voix de l’homme (en conversation : 100 à 150Hz), de la femme (en conversation : 200 à 300Hz) et de l’enfant (en conversation : 300 à 450Hz), ce qui leurs permet donc une excellente perception de la voix humaine.

En ce qui concerne les indications sonores des chevaux eux-mêmes, ils peuvent produire des signaux vocaux (qui impliquent l’utilisation du larynx et des cordes vocales), comme ce sera le cas pour le hennissement ou l’appel de contact, mais également non-vocaux, comme l’ébrouement, le soufflement ou encore le ronflement (George H. Waring, 2003). Nous n’y prêtons pas toujours attention parce qu’ils ne sont pas forcément clairs pour nous, mais ces signaux sont nombreux, et des études tendent à démontrer qu’ils sont généralement liés à l’expression des émotions ressenties par le cheval, et diffèreront en fonction qu’elles soient positives ou négatives. (Si vous souhaitez en découvrir davantage, je vous invite notamment à lire les résultats de cette étude : Un indicateur acoustique d’émotion positive inattendu chez le cheval ?)

Les chevaux nous «parlent»…

Pour ce qui est du second sens du mot silence, quant à savoir le fait de se taire, j’ai toujours trouvé les chevaux tout sauf silencieux, même si très souvent l’humain demeure sourd et aveugle à ce qui lui est « dit ». Ils n’ont effectivement pas la parole au sens humain où on l’entend, un langage articulé comme le nôtre, mais cela ne les empêche pas de communiquer avec nous d’autres manières.

Que ce soit à travers les sons qu’ils émettent, comme évoqué précédemment, leurs expressions faciales, leurs mouvements d’oreilles, leurs regards, leurs postures ou encore leurs gestes, ils disposent de nombreux outils de communication qui leurs permettent de s’exprimer et de nous « parler »… à nous d’apprendre à les reconnaître, et à y être attentif.ve pour mieux comprendre les messages qui nous sont adressés.

Réussir à « écouter » un cheval n’est pas facile, cela demande de l’observation, de l’entraînement, mais aussi de l’humilité, confrontant parfois notre réflexion à notre intuition, entraînant ainsi les remises en cause, notamment lorsque ce qui nous est dit ne va pas dans le sens que l’on aimerait. Apprendre à écouter son cheval est une qualité précieuse indispensable pour qui souhaiterait établir avec lui une relation de partenariat

Pour les chevaux, se sentir entendu et pris en compte est extrêmement important, cela les aidera à s’impliquer davantage à nos côtés de façon consciente et avec envie, et agira sur leur bien-être psychologique et émotionnel, en diminuant les situations de stress, de frustration ou de colère.

Une communication inter espèces…

Avez-vous déjà pris le temps d’observer les échanges entre animaux d’espèces différentes ? Si certaines personnes soulèvent l’hypothèse de liens télépathiques, il n’en est pas moins visible que chaque animal se servira de ses propres moyens de communication, qu’il s’agisse d’un cheval, d’un chien, d’un chat ou encore d’un oiseau. Ils agiront d’après leurs propres outils d’expression, chacun ayant un « vocabulaire » bien spécifique à son espèce. Il n’empêche qu’ils parviennent à communiquer, à se comprendre, et je trouve merveilleux quand des liens affectifs se tissent entre eux, les voir jouer, se soutenir ou s’entraider. 

Avec les chiens, nous avons plus de facilité à « être » humain, à adapter nos moyens de communication, sans pour autant se restreindre uniquement à ceux de l’animal. Cette mise en commun permet la création d’un nouveau type de communication, un langage « mutualisé » construit à partir de l’identité de chacun. Un autre élément à prendre en compte, c’est que l’on ne doutera pas de la faculté des chiens à nous comprendre, alors que ce sera malheureusement très souvent le cas avec les chevaux, si bien résumé par cette phrase que beaucoup de cavalier.e.s ont déjà entendue : « Arrête de parler à ton cheval, de toute façon il ne comprend rien ! »… 

Vouloir à tout prix se limiter strictement à une communication basée sur les indicateurs des chevaux me semble réducteur, car nous n’en avons tout simplement pas la capacité physique. De nombreux éléments de leur langage nous sont absents, comme les mouvements d’oreilles ou de queue. Notre « vocabulaire » sera de fait beaucoup moins précis, et très certainement bourré de fautes « syntaxiques ». 

En nous privant de notre caractéristique principale, à savoir notre capacité à avoir un langage articulé, nous allons également nous handicaper, car cela nous demandera d’évoluer à l’inverse de notre nature, avec toute la maladresse et l’inconfort que cela occasionne. Notre voix est un moyen de communication extrêmement riche, il nous permet, au delà des mots employés, de transmettre de l’émotion et de créer un lien. Bien-sûr, cela demande d’apprendre à s’en servir, de parler en conscience, et non machinalement, de centrer notre voix, et d’apprivoiser nos émotions.

Vers l’articulation de nos langages…

Lorsque l’on souhaite faire de sa voix un véritable outil au service de la communication, cela sous entend aussi une mise en commun de deux langages différents. Il va falloir prendre le temps de les ajuster ensemble, d’en expliquer les fondements à l’autre, les nuances, mais cela permet, à mon sens, un éventail d’échanges beaucoup plus large et enrichissant, autant pour l’humain que pour le cheval.

En prenant le temps d’initier nos chevaux à la voix, nous leurs permettons d’acquérir de nombreuses informations qui les aideront à mieux comprendre l’humain et son fonctionnement en général. Nous n’avons pas toujours suffisamment conscience des questionnements et des incompréhensions que nous pouvons occasionner chez les chevaux. En leurs permettant de mieux nous connaître, nous favoriserons également la diminution de leurs peurs liées à l’inconnu et à l’incompréhension, et cela nous permettra ainsi de gagner leur confiance plus facilement, et tout naturellement.

Alors, que vous souhaitiez évoluer en silence avec votre cheval, ou enrichir vos échanges de votre voix, gardez à l’esprit que c’est un choix qui vous appartient, et qu’il doit avant tout vous correspondre et refléter qui vous êtes. Au-delà du choix de la parole ou du silence, le plus important est de demeurer authentique avec votre cheval, afin de pouvoir bâtir avec lui une relation sincère et épanouissante.