On peut lire de nombreux témoignages de personnes se plaignant que leur cheval ne « respecte pas leur bulle » , qu’il envahit leur espace, les bouscule, leur donne des coups de tête, se frotte contre eux, leur marche sur les pieds, et j’en passe… Et c’est ce qui m’a donné envie d’aborder aujourd’hui ce sujet, et d’analyser ces termes de « bulle » et de « respect » .
La bulle
La notion de « bulle » est souvent une des premières chose que l’on installe en équitation éthologique, une distance autour de nous, de la longueur d’un bras, à l’intérieur de laquelle le cheval n’a pas le droit de pénétrer, au risque de se faire immédiatement repousser.
En ce qui me concerne, je trouve cela dommage de mettre dès le début une telle barrière entre nos chevaux et nous, et je trouve qu’il y a d’autres façons tout aussi efficaces de se sécuriser. J’aime avoir mes chevaux près de moi, pouvoir les prendre dans mes bras, les sentir venir me faire un câlin délicatement du bout de leur nez, autant de gestes tendres et amicaux qui nous permettent à l’un et l’autre de nous témoigner notre affection. Si bulle il y a, c’est une seule et unique bulle que l’on partage ensemble, une bulle de bonheur, et c’est tout!
Les « limites » de la bulle
Parmi les chevaux que j’ai eu la chance d’accompagner, j’ai pu constater que cette bulle, qui avait pu être mise en place autour de l’humain, pouvait parfois leurs poser de gros problèmes, notamment lorsque leur humain se rapprochait d’eux.
Si pour certains chevaux cela ne pose aucun souci, j’en ai côtoyé d’autres qui, ayant tellement associé cette bulle désagréable à leur humain, n’arrivaient plus à les dissocier. Imaginez la réaction de ces chevaux, au moment où l’humain leurs impose cette bulle en se rapprochant d’eux, en les faisant rentrer dedans malgré eux, alors que c’est une zone qui leurs est interdite, et dont ils sont habitués à être chassés…
Vous comprendrez très facilement comme cette proximité avec l’humain peut être oppressante, inquiétante et parfois même extrêmement stressante pour ces chevaux, qui n’ont qu’une envie, détourner la tête et s’éloigner, même si l’intention de l’humain était simplement de lui témoigner de l’affection.
Ce type de réactions me questionne à chaque fois sur le rapport qu’il existe alors entre l’humain et son cheval. Comment avoir une relation heureuse avec un cheval épanoui, si de telles situations lui provoquent autant de craintes ? Lorsque votre cheval a pleinement confiance en vous, vous devez être son refuge, celui ou celle auprès de qui il se sentira en sécurité, et certainement pas quelqu’un qu’il aura peur d’approcher.
Mais sans bulle, peut-on se faire « respecter » ?
Là encore, voici un mot qui a pris un sens que je regrette, le « respect »… Pour moi ce terme a été galvaudé, et est souvent utilisé maladroitement. Il suffit d’observer les chevaux en troupeau pour constater, par exemple, qu’ils leurs arrivent de venir se frotter la tête sur un de leurs compagnon de pré, sans que celui-ci ne prenne cela pour un manque de « respect ».
Dans ce mot, ce sont toutes nos exigences humaines que nous avons mises, notre vision « à nous » du respect que l’on souhaite nous voir porter. J’ai malheureusement trop souvent l’impression qu’en reprochant aux chevaux leur manque de respect, les personnes ont plutôt tendances à se déresponsabiliser de la non-éducation de leur cheval, en leurs rejetant la faute, comme si nos attentes devaient être une évidence pour les chevaux.
De nombreux de cavaliers corrigent leurs chevaux dès que ceux-ci font une erreur (dont parfois ils n’ont même pas conscience), mais très peu prennent réellement le temps de leurs expliquer ce qu’ils souhaitent vraiment de leur part, ni de le féliciter lorsqu’ils ont la bonne attitude.
Alors, plutôt que de râler et de disputer son cheval, ne devrait-on pas déjà s’interroger sur les raisons de ces comportements qui nous dérangent ? Lui avons-nous déjà expliquer clairement ce que nous attendions de lui ? L’avons-nous aidé à prendre conscience de chaque partie de son corps, à savoir comment le mobiliser, afin qu’il parvienne à le maîtriser avec facilité lorsqu’il se trouve à proximité de nous ? Lui avons-nous appris à faire attention à nous, à ralentir ses mouvements lorsqu’il se rapproche de nous ? Lui avons-nous enseigner « nos » limites ? Les a-t-il comprises, et est-il capable d’y répondre ?
Tout autant de questions que je vous invite à vous poser, car si vous avez conscience d’avoir moins de force que lui, et de ne pas faire le poids fasse à plusieurs centaines de kilos, pour votre cheval ce n’est pas forcément évident, et il est important de prendre le temps de le lui expliquer, et de lui donner des solutions. Ce que l’on appelle fréquemment un manque « de respect » , n’est souvent qu’un simple manque « d’éducation », et c’est le rôle de l’humain de l’enseigner à son cheval.
Évoluer ensemble en toute sécurité
Au lieu de vouloir à tout prix mettre cette distance entre vous et votre cheval, vous pouvez aussi très bien lui apprendre à devenir précautionneux, et à prendre conscience de vous et de votre corps. Vous pouvez lui apprendre à faire attention à vous, en accompagnant ses gestes, et en lui expliquant quelle attitude adopter lorsqu’il s’approche de vous. Pour y parvenir, il est inutile de leur faire peur ou mal, juste de la patience, de la pédagogie et de l’amour.
Un des mots les plus efficace que j’utilise pour cela est le mot « doucement ». Ce qui est intéressant avec ce mot, c’est que, contrairement à de nombreuses autres demandes, celui-là est une notion qui va au-delà d’un simple exercice, c’est une nuance. Ainsi le « doucement » va pouvoir venir nuancer une allure, comme « marcher doucement », un geste de la tête, la prise d’une récompense, en bref, tout ce qui a besoin d’être ralenti.
Afin que votre cheval comprenne facilement ces règles, ce sera à vous de les lui expliquer avec douceur et précision, et d’être constant.e et rigoureux. se. Poser des limites ne veut pas dire être dur.e ou autoritaire, cela veut dire être centré.e, à sa juste place, être le/la référent.e en qui votre cheval pourra avoir confiance, et c’est cela qui vous permettra d’installer un respect mutuel, en toute harmonie.